NOCTURNE



La rose et l'anémone
Referment leur corolle,
Le ciel glisse sans bruit
Sur le jour endormi

Et lorsque le soleil
A perdu ses pétales,
Il s'éteint doucement
Dans une eau de cristal.

On entend le frou-frou
D'une robe de soie,
C'est le frémissement
Des feuilles dans le soir.

Un oiseau de silence
Crie dans le ciel éteint,
Il vole, plane et danse
Jusqu'au petit matin.
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ODE à …



Tes cheveux maritimes
En algues serpentines,
Tes yeux papillons noirs
Et ta bouche mutine,
Tes mains de coralline
Et tes seins "opaline",
Un peu d'Espagne noire
Dans ton regard miroir,

La pluie sur tes cheveux
En larmes enfantines,
Ce rien qui me fascine
Et tout qui m'assassine :
Ta voix, tes mains, tes lèvres,
Ta joie, tes nuits, tes rêves,
Ta façon d'être belle,
Même sans le vouloir,








Ton corps que j'imagine,
Ton corps qui se devine,
Mes rêves qui s'égarent
En frôlant ton regard,
Ce soleil maquillé
De deux doigts de rimmel,
Et ton rire en cascades
De fleurs et de dentelles,

Tu hantes mes silences,
Tu hantes mon sommeil,
Tout de toi m'ensorcelle
Et me ronge et m'appelle,
Je meurs de ne rien dire
Quand je voudrais crier,
Je meurs par ton sourire
A jamais égaré.
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        JUNGLE



Dans l'eau du lagon bleu et rose,
Des crocodiles en peau de sac
Font claquer leurs mâchoires.
Dans l'eau flottent des ecchymoses,
Des meurtrissures, des ichtyoses
Et l'eau du lagon devient noire.

Déchirure de cette journée
Qui ne veut pas cicatriser
Tout en haut de l'anacardium
Un cacatoès à rayures
Hurle à la lune et au soleil.

Soudain illuminant le ciel,
Une araignée du soir, espoir,
Fine robe, fine dentelle,
Tombe tout droit du firmament.

Tombe sur le cacatoès
Qui tombe de l'anacardium
Dans la fange du lagon noire,

Et là, dans un bruit de mâchoire
L'oiseau a perdu la mémoire.
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        LA POESIE



La poésie est entre les mots,
Elle a besoin du mot
Mais elle n'est pas le mot,
Elle est le vide entre les atomes,
Le vide entre les étoiles.
Elle est le "chant" électromagnétique
Emprisonnant le plasma primitif,
Avant la naissance de l'étoile
Et Dieu est son vassal.
La poésie est cri,
Elle est aussi le silence qui suit le cri,
Elle est l'essence même de toute chose.
C'est une idée qui passe et qu'il faut attraper,
Un papillon de fin d'été.
Elle est n'importe quoi,
N'importe où, n'importe quand,
L'ineffable, l'incommensurable,
La valse du printemps.
C'est vous, c'est toi, c'est moi,
C'est le mensonge des fables,
Le mensonge des amants,
La pluie, le vent, le sable
Et la morsure du temps.

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      SOIR D'ETE



Le soleil s'évapore
Au ciel ensanglanté,
La lune s'émerveille
Quand tombe la rosée
Et la forêt s'endort
À l'ombre des étoiles.
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        APRES L'ACCIDENT



Ils étaient trois cent quarante cinq,
Déchiquetés, éparpillés,
Et pour dénombrer les victimes,
On a du compter les doigts de pied,
Et après on a divisé.
On a fait d'même avec les yeux,
Avec les oreilles et le nez,
Ça correspondait à peu près,
Ensuite on a distribué
À chacun ce qui lui manquait
Empaqueté dans un drap blanc.

Les familles ont eu droit en plus
À la douleur du président.
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INFIRMERIE DE GARNISON



Mon esprit se déchire,
La blouse blanche est grise,
J'avance dans la mire,
J'avance et toi tu vises.

Tout est prétexte à rire
Mais mon texte est soupir,
Languissement, ennui,
Attente, vieillissement.

La machine à café
Empêche de dormir,
Mes doigts se givrent
Et la cascade de mes pensées chavire.







Je suis au bord de l'eau
Et l'eau reste immobile,
Le miroir devient glace,
Je vois le temps qui passe.

Je vois le temps qui glisse,
Je vois le temps qui glace,
Et les doigts se raidissent,
Se crispent sur la gâchette.

Puis l'eau devient javel,
La rivière est violette,
Une dernière pirouette,
Et je maudis le ciel.
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APRES L'EXECUTION



Vois, je relève la tête,
La tête de votre panier,
Ce panier rempli de son
Qui s'abreuve de mon sang.

Vois, je relève la tête,
Et je crève à l'unisson
Vos tympans et vos fenêtres,
En criant cette chanson,

La chanson des gens sans tête,
Coupée par des gens sans raison,
Des gens qui croient que la fête
Est soleil rouge à l'horizon.

Vois, je relève la tête,
Et mes yeux vous font horreur,
Exorbités et hagards,
Ils reflètent votre peur.






Du coin des lèvres je ris,
D'un rire indéfinissable,
La mort ne m'a pas puni,
Et ça vous est insupportable.

Vois, je relève la tête,
De votre panier rempli de son,
Je reviens, je suis un spectre
Et je finirai la moisson.

Je mettrai vos pleurs en gerbe,
Et vos chagrins, et vos passions,
Et vos cœurs finiront sur l'herbe
Avec le destin pour saison.
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       FILLE DE LA NUIT



Inaccessible et inconnue,
Tu hantes mon esprit perdu,
Ton image, toujours ton image,
Mais suis-je sûr, t'ai-je bien vue ?

Les soleils froids sont revenus,
Les oiseaux rient de ma folie,
Des couleurs vives, j'aurais voulu,
Mais c'est le gris qui me poursuit.

J'aime tant le lever du jour,
Et tu es fille de la nuit,
Je te croiserai vers midi,
Et j'aurai mal à mon retour,

Cette blessure d'un temps perdu,
Qui me revient comme un orage,
Ton image, ce beau mirage,
Mais suis-je sûr, ai-je bien vu ?
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      DESESPOIR



Une morsure noire
M'a déchiré la poitrine,
Pour recouvrir mon cœur
De son asphalte bouillonnant,
Des vapeurs rauques
Ont gonflé mes poumons,
Et des vagues violentes
Ont secoué mon front,
En silence j'ai appelé au secours,
Naufragé paralysé
Par quelque calculatrice froideur,
Mais seul le vent a répondu,
En faisant claquer les portières.
Le venin faisait déjà son office
Dans mes veines,
Et nul n'était besoin de crucifix,
Ni de prière,
Ni même de toute autre verveine.
Alors je me suis laissé engloutir,
Retournant au néant livide,
D'où tu m'avais sorti,
Quand tu m'avais souri.
Je m'étais cru un instant palissandre,
Mais je n'étais en fait
Que poussière et que cendre,
Et le vent m'a éparpillé,
Et le vent m'a époussiéré.
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ILLUSIONS



On se prendra pas pour Hugo,
On n'alexandrinera pas,
Tant pis si nos vers sont bateaux,
Et nos rimes de cinéma,
Mais on écrira tout de même,
Des phrases qui sonnent comme des poèmes,
Et qui promènent et qui emmènent,
Chez Clio et chez Melpomène.

On se prendra pas pour Villon,
Avec nos semblants de chansons,
Pourtant on prendra le crayon,
Et on noircira le brouillon,
Pour effacer les matins blêmes,
En raturant quelques "je t'aime"
Avec un air un peu bohème,
Pour les yeux d'une bohémienne.

On se prendra pas pour Rimbaud,
Il est bien trop loin son bateau,
On restera seul sur la rive,
Quand on aura le mal de vivre,
Et dans la fumée des tempos,
On planera sur un solo,
On cassera le vieux piano,
Et on grillera la sono.






On se prendra pas pour Ronsard,
En faisant pleurer la guitare,
Four cette fille de hasard,
Pour cette femme un peu trop star,
Mais on fera semblant d'y croire,
En regardant loin des miroirs,
On cherchera un peu d'espoir,
Pour fuir encore cette nuit noire.

On se prendra pas pour Hugo,
On se prendra pas pour Villon,
On se prendra pas pour Rimbaud,
On fera même pas illusion.

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FABLES


J'étais simple fourmi
Et me voilà cigale,
Je chante tout l'été,
Je chante tout l'hiver,
Et les quatre saisons
Reprennent ma chanson.
N'en déplaise et tant pis,
Monsieur De la Fontaine.

R : Je ne veux plus avoir
Ni froid, ni faim, ni fers,
Je ne veux plus avoir
Ni croix, ni roi, ni père,
Mais seulement ta loi
O ma belle étrangère,
Même si tu préfères
Les voyages en enfer.

J'étais dur au labeur
Comme un vrai laboureur,
Un trésor est caché
Tout au fond de ce champ,
Mais les mots sont trompeurs,
Le champ était chanson.
N'en déplaise sans façon
A Jean de la Fontaine.
Je vivais sans passion
On dit qu'elles sont frivoles,
Préférant la raison
À la feuille qui vole,
Mais le temps est venu
De changer de menu.
Tant pis pour les leçons
De Jean de la Fontaine.

J'ai cherché l'ineffable
J'ai cherché la lumière,
De contes en prières
Je n'ai trouvé que fables,
Peu d'amour, trop de haine,
La morale et ses peines.
Merci et sans façon
Monsieur de la Fontaine.
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        TELEVISION



Sur l'écran blafard et sans vie,
L'image de nos agonies,
Colorée aux diodes primitives
N'en finit pas de défiler.

Dans la moiteur d'un bleu d'été,
Les sociétés caritatives
S'adressent à nos cœurs déjà morts
Pour cicatriser nos remords :

Nuages noires fantomatiques
Et écriture automatique,
Regards aux yeux dégénérés
De millions d'humains génériques,

Hallucination collective
Pour nos cerveaux paralytiques,
Le néant au néant s'oppose
Et chacun ingurgite sa dose.
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       DESERT



Au milieu du désert
Nos pistes se croiseront
Et le sable des mots
Effacera la trace
Des sillons illégaux
En vaines dédicaces.

L'aiguille du pick-up
Crissera sur le quartz
Comme un talon trop haut
D'une fausse pin-up,
Alors le chant des dunes
Montera sous la lune.

Puis l'aiguille glissera
De la cire à ton bras
Pour une autre musique
Multipiste et tragique.

Microsillon perdu
Dans l'éther suspendu,
Silence en stéréo
Dans l'œil du cyclone,
Le temps s'arrêtera
Dans ce désert atone.
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ORAGE


La douche est brûlante,
Il est vingt heures trente
Et l'orage éclate
Dans la chaleur moite…
Il pleut des cailloux
Et les chiens sont fous.

Refrain :
J'aimerais tant
Me dé-souvenir de toi,
Je voudrais tant,
Je n'y arrive pas.

Un arbre cassé
Vient de s'envoler
Sans doute une fée
L'a ensorcelé…
Et le vent forcit,
Et le vent rugit.




Au loin le tonnerre
Joue au solitaire,
Et en un éclair
Met genou à terre…
La partie finie,
La nuit devient nuit.

Sur l'écran bleuté
Rien ne veut changer,
Des oiseaux étranges
Se moquent des anges…
L'orage blessé
N'a fait que passer.
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LA MARGE


Quand la marge
Devient plus large
Que la page,
Quand la marge
Nous emmène au large,
Quand la marge
Devient page
Et la page devient rivage :
Il y'a l'feu
À tous les étages,
C'est comme un cadeau
Dans un corsage,
C'est tellement plus beau
Qu'un long voyage,
C'est fou et c'est sage
C'est comme un bord de plage.

Quand la marge
Devient plus large
Que la page,
Quand la marge
Nous emmène au large,
Quand la marge
Devient page
Et la page devient mirage :
C'est une fille
Sans maquillage,
Le bruit de la mer
Dans un coquillage,
Un bateau voguant
Sans équipage,
Le feu de l'éclair
Dans un ciel d'orage.





Quand la marge
Devient plus large
Que la page,
Quand la marge
Nous emmène au large,
Quand la marge
Devient page
Et la page devient voyage :
C'est comme un virage
En dérapage,
Un grand frisson
Sans fin et sans âge,
La morsure vive
D'un paysage,
La porte grand' ouverte
De la cage.

Quand la marge
Devient plus large
Que la page,
Quand la marge
Nous emmène au large,
Quand la marge
Devient page
Et la page devient nuage :
C'est une évasion
Sans rattrapage,
Une division
Sonnant la charge,
Une émotion
Tellement sauvage,
Qu'elle nous fait
Reconstruire Carthage.
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DERRIERE CHEZ MOI


C'est en entrant dans le sous-bois
Que j'ai songé à autrefois,
Pas avant-hier mais bien avant,
Quand les loups mangeaient les enfants…
Mais les nains m'ont dit "T'en fais pas,
Le dernier loup est mort de froid".

R : Il ne se passe jamais rien
Dans le p'tit bois derrière chez moi. (bis)

Tout en cueillant la chanterelle
Je savourais quelques airelles,
Pensant bien croiser une fée,
Dansant dans un coin de clairière...
Les nains m'ont dit "Faut pas rêver,
La fée est partie pour Cythère"…

Le jour tombait, c'était magique,
Le sous-bois était magnifique,
Et j'espérais voir la licorne
En cette belle soirée d'automne,
Mais les nains m'ont dit "Cherche pas
La licorne n'existe pas"...



Puis le soleil mit chapeau bas
Et il commença à faire froid…
J'ai voulu inviter Blanche-Neige,
Lui faire faire un tour de manège,
Mais les nains m'ont dit "Pas d'accord,
Faut finir le travail d'abord"…

Alors c'est à coup de sabots
Que j'ai écrasé les nabots,
Et puis j'ai enlevé la belle
Qui ne s'est pas montrée rebelle,
Et le dernier des nains a dit :
"Les contes, ça vaut plus un radis"…
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       PASSION



Hallucinez-moi
De vos fantasmes,
Laissez-moi couler
Au fond de vous,
Pour vous apaiser
Je serais torrent
Et j'effeuillerai
Vos rêves d'enfant.

Ensorcelez-moi
De vos détresses,
Divine amoureuse,
Colombine blanche,
Je saurais vous dire
La paix des caresses,
Laissez-vous couler
Tout contre moi.

Enveloppez-moi
De vos ivresses,
J'ai trop attendu
De vaines promesses,
Laissez vos désirs
Vivre à l'unisson,
Pour les assouvir
J'ai tant de passion.
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VOYAGER


Voyager dans tes yeux,
Prendre le train à deux,
S'enivrer d'un ailleurs,
Le pire ou le meilleur…
S'envoler chez les fées,
Se laisser enchanter,
Par d'autres amitiés
En pays oublié.

Rencontrer au matin,
Ces milliers de destin,
Tenir par la main,
Aujourd'hui et demain…
Echanger le passé,
Toutes ces heures effacées,
Pour une route insensée,
Un chemin à tracer.

Etre aussi spectateur
Et arrêter les heures,
Contempler une fleur,
Pour deux sous de douceur...
Revenir, repartir,
Croire en cet avenir,
Toujours rire et sourire
Pour ne pas trop mourir.
Visiter l'univers,
À l'endroit, à l'envers,
En rouge, en bleu, en vert,
Un clin d'œil à Prévert…
Vivre comme une fête,
Des soleils pleins la tête,
Avec quelques pirouettes,
Pour que rien ne s'arrête.

Voyager dans tes yeux,
Prendre le train à deux,
S'enivrer d'un ailleurs
Le pire ou le meilleur…
Voyager dans tes yeux
Voyager tous le deux,
Et retenir ce train
Et retenir ta main…
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          A  TOI



Tu es ma force et ma faiblesse,
La rime absente à ce poème,
Mon imagination, ma chance,
Mon voyage, ma délivrance.
Quand la solitude me blesse,
C'est toujours à toi que je pense,
Tu reviens comme un théorème
Qui me griffe ou qui me caresse.

Cette distance où je m'égare,
Trop près de toi ou pas assez,
Ravive sans cesse la blessure
Que je crois un jour refermée
Mais qui le lendemain s'éveille
Et me pousse vers l'Isengard,
Guerrier perdu sans son armure,
En quête d'un dernier sommeil.

Tu es ma force et ma faiblesse,
La rime absente à mon poème,
Quand la solitude me blesse,
C'est toujours à toi que je pense.
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