Ecritures de jeunesse |
MIRAGE Regarde ces formes bizarres Qui roulent dans le jardin, On dirait des coquillages, C'est la mer qui nous revient. Ecoute le bruit des vagues Qui dansent dans le matin, Ecoute les coquillages Et descends dans le jardin. Regarde, on dirait des algues Tout de rose et tout de brun, Touche-les du bout des doigts, Prends les au creux de ta main. Imagine le vent, le sable, La vague au creux de tes reins, Ecoute l'oiseau sauvage Et respire l'air marin. Regarde ces formes bizarres : Elles disparaissent au lointain Comme s'en vont les nuages… Et la mer est déjà loin. | haut de page |
TRISTESSE Derrière les fenêtres trop sages D'un immeuble de vingt étages, Ne sens-tu pas tous ces regards Ces tristes yeux qui te tutoient ? Moi, quand je passe dans la rue, Je voudrais passer en courant Ou m'enfermer dans ma mémoire, Pour ne pas y voir tous ces gens. Ne sens-tu pas toutes ses peines Qui viennent s'ajouter à la tienne, N'entends-tu pas à chaque pas Le poids de tout leur désarroi ? Moi, je vois des murs et partout Les mêmes yeux abandonnés, Coulés à même le béton, Sans vie, sans joie, sans illusion. Alors quand je rentre chez moi, Derrière ma fenêtre bien sage, J'imagine des paysages, Des rires, des fleurs, des fruits sauvages Pour redonner un peu d'espoir À ceux qui passeront par-là... | haut de page |
NOCTURNE La rose et l'anémone Referment leur corolle, Le ciel glisse sans bruit Sur le jour endormi Et lorsque le soleil A perdu ses pétales, Il s'éteint doucement Dans une eau de cristal. On entend le frou-frou D'une robe de soie, C'est le frémissement Des feuilles dans le soir. Un oiseau de silence Crie dans le ciel éteint, Il vole, plane et danse Jusqu'au petit matin. | haut de page |
LE CIRQUE Des chevaux présentaient Leurs tripes dans leurs mains, Et puis on y voyait Passer des chevaux nains. Un rossignol en proie À quelque désespoir, Mourait dans la nuit noire, Suicidé pour un soir. Alors venaient les chiens Habillés en indiens, Et l'homme surhumain, Un fouet dedans sa main. Et tous les gens riaient, Et ils applaudissaient, Ils en redemandaient. C'était un grand succès, C'était le cirque, Et un enfant pleurait. | haut de page |
DECHAINEMENT Voilà le vent, Voilà l'orage, Et tout s'enchaîne, Tout se déchaîne, Les éléments, Deviennent amants, Tout se déchire, Tout est soupir, Ruissellement, Et tremblement, Et puis l'ivresse, Tombe en averse, Et le délire Nous délivre. | haut de page |
CERF-VOLANT Comme une marionnette Au sourire figé, Avec de grands yeux noirs Et un cœur en papier, Balancé par le vent, Je monte et je descends. Je vais de fleur en fleur De soleil en soleil, Et je plane et je vole, Tout là-haut dans le ciel Avec les grands oiseaux... Et puis le vent se calme… Je ne sais plus voler, Je tombe sans cri, sans larme, Mes fils s'entortillent Et je reste immobile. | haut de page |
TRANSPARENCE Imagine un nuage, Il est loin, Il est blanc, Il brille sous le soleil, Tu t'approches de lui, Il vient vers toi, Il est vivant, A mesure qu'il approche, Il se transforme, Tu t'aperçois qu'il est moins blanc, Et à mesure qui se transforme, Tu sens qu'il disparaît, Qu'il s'enfuit, Alors tu cours à sa rencontre, Pour ne pas le perdre, Pour le retenir, Enfin tu le touches, Mais il est transparent, Et tu ne vois plus rien, Il n'y a sur tes doigts Que la rosée : Trois perles oubliées Qui dansent dans la lumière. | haut de page |
DANS LA VITRINE Dans la vitrine Le pingouin hoche la tête, Il me regarde, Il me voit, On dirait qu'il va parler, Il parle, Il raconte sa vie de pingouin, Froidement, Sans sentiment, Sans regret, ni amertume. Il raconte ses voyages De l'Egypte à New-York, De New-York à Pékin Et de Pékin à Moscou : Tout en haut des citadelles, Il a vu des hirondelles Et dans le désert brûlant, Il a vu des goélands Qui rampaient Qui se taisaient, Il a eu peur, Il a eu froid, Il est parti. Et dans la vitrine, Le pingouin s'est arrêté, Il a souri, Et tout à coup Le pingouin s'est envolé … | haut de page |
ESQUISSE Fébrilement la main Traçait sur le papier Des formes imagées, Des formes sans danger. Et tout à coup, soudain, Sans y comprendre rien, Les formes s'éveillaient Et la vie se formait. De ce tracé inerte, Une main inexperte Avait changé les traits Comme une magicienne. Nul ne guidait la main, Ni homme, ni esprit, Elle suivait la courbe, La courbe la suivait. | haut de page |
VERTIGE Je suis au bord du gouffre, Je suis ivre et je souffre, Je vais fermer les yeux, Et perdre l'équilibre. J'entends le sifflement, D'un train aveugle et sourd Qui roule dans mon crâne Et me perce les tympans. Lorsque le train s'arrête, Des tam-tams résonnent Tout au fond de ma tête Et ils tapent et ils cognent. Ils sortent de la jungle Pour chasser les esprits Et leurs rires et leurs cris Se perdent à l'infini. | haut de page |
QUESTIONS L'instant est-il folie Ou bien lucidité, Quand la nuit dévorante M'invite à oublier, Quand d'un trou de mémoire, Je fais une orchidée, Et quand une idée noire Sur moi vient se poser ? L'instant est-il folie Ou bien lucidité, Quand d'un miroir brisé S'envole un arc-en-ciel, Quand d'un soleil d'acier Roule un couteau de miel, Et que dix mille abeilles Viennent le dévorer ? L'instant est-il lucidité Ou bien folie, Quand la flamme rougit Au bout du revolver, Quand la vision se trouble Sous le poids des paupières, Et quand la nuit enfin Dévoile sa lumière ? | haut de page |
EXIL Quand je m'exile au fond De tes yeux caressants, Pour un lointain voyage Au large d'Ouessant, Je deviens solitaire, Navigateur errant, Poursuivant des chimères, Promenées par le vent. Et les vagues me parlent D'une infinie tristesse, Blanche comme l'arcopal, Pâle de mon ivresse, Et je noie mes silences Au milieu des silences, Et je n'aperçois pas, D'autre rive que toi. | haut de page |
ODE à … Tes cheveux maritimes En algues serpentines, Tes yeux papillons noirs Et ta bouche mutine, Tes mains de coralline Et tes seins "opaline", Un peu d'Espagne noire Dans ton regard miroir, La pluie sur tes cheveux En larmes enfantines, Ce rien qui me fascine Et tout qui m'assassine : Ta voix, tes mains, tes lèvres, Ta joie, tes nuits, tes rêves, Ta façon d'être belle, Même sans le vouloir, | Ton corps que j'imagine, Ton corps qui se devine, Mes rêves qui s'égarent En frôlant ton regard, Ce soleil maquillé De deux doigts de rimmel, Et ton rire en cascades De fleurs et de dentelles, Tu hantes mes silences, Tu hantes mon sommeil, Tout de toi m'ensorcelle Et me ronge et m'appelle, Je meurs de ne rien dire Quand je voudrais crier, Je meurs par ton sourire A jamais égaré. haut de page |
ALICE Je courais sur un fil Et le fil a cassé, Je suis tombé du lit À moitié réveillé, À moitié endormi, J'ai attaché les draps Au barreau descellé Et je suis descendu Glissant le long du mur, Un oiseau est passé Qui m'a dit de voler, J'étais bien étourdi, Pourtant je l'ai suivi, Et puis je suis tombé Comme on tombe du nid Quand on sait pas voler. | Encore tout engourdi, J'ai ramassé les cartes Laissées sur le tapis Et j'ai donné les as Au premier qui passait, Mais il n'est pas passé, Enfin, pas le premier. Puis j'ai distribué Les dames et les valets, Les valets pour servir, Les dames pour danser Et les rois sont restés. Des rois pour commander Personne n'en voulait, Alors la nuit venue, Ils ont suivi l'étoile Et puis ont disparu. haut de page |
ECRITURE Poème en vers, Poème en prose, Parole en l'air, Parole en rose, On rime à rien, On touche à tout, Tout à l'envers Lorsque l'on ose. | haut de page |
JUNGLE Dans l'eau du lagon bleu et rose, Des crocodiles en peau de sac Font claquer leurs mâchoires. Dans l'eau flottent des ecchymoses, Des meurtrissures, des ichtyoses Et l'eau du lagon devient noire. Déchirure de cette journée Qui ne veut pas cicatriser Tout en haut de l'anacardium Un cacatoès à rayures Hurle à la lune et au soleil. Soudain illuminant le ciel, Une araignée du soir, espoir, Fine robe, fine dentelle, Tombe tout droit du firmament. Tombe sur le cacatoès Qui tombe de l'anacardium Dans la fange du lagon noire, Et là, dans un bruit de mâchoire L'oiseau a perdu la mémoire. | haut de page |
AVENIR Je me promène dans la rue, C'est l'automne, Les lampadaires perdent leurs dernières feuilles. Des gens me croisent, Ils ne savent pas comme je les hais. Je les hais, Parce qu'ils sont gros et laids, Parce qu'ils sont lourds, Parce qu'ils n'ont rien d'humain, Dans cette ville tambour, Dans cette ville prison, Cette ville dépression, Cette ville tour, Cette ville qui les a intégrés, Dévorés, désintégrés, Et puis recollés sur mesure. | Je les hais, Parce qu'ils se sont laissés faire, Parce qu'ils ont tout accepté, Le bien-être, le confort, Le matraquage, L'abrutissement, L'anéantissement de leur lucidité. Je les hais, Parce qu'ils ne sont plus, Que des cartes perforées, Qu'on juxtapose à coup d'ordinateurs. Je les hais, Parce que j'ai peur, D'un jour leur ressembler. haut de page |
QUATORZE JUILLET Noir le soir, Noire la foule folle, Et soudain claquent les arcs-en-ciel Au ciel catin, Fumerolles, Essaims d'abeille illumineuses, Mosaïques éclatées, Guirlandes de polichinelle, Impuissance des étoiles À se faire respecter, Confettis arrachés au soleil Pour prolonger le jour, Magie blanche, magie noire, Magie incandescente. L'enfant halluciné Ouvre tout grand ses yeux, Rêvant de guerre Et d'ennemis lointains Quand ce ne sont Que les feux de Bengale D'un bien triste festin. | haut de page |
CAUCHEMAR La bête agonisait Et j'étais dans son ventre, Me tordant avec elle À chaque soubresaut. Je l'entendais gémir À travers ses blessures Et guettais sa froideur Qui venait d'heure en heure. Un liquide visqueux Imprégnait mes chaussures, Appelant la nausée Et soulevant le cœur. Le flot gluant et noir Sentait déjà la mort Et la triste figure Secouait bas le corps. | haut de page |
PARIS Dans cette ville, Où que se porte le regard, Les yeux ne rencontrent que des murs, Des murs sales, Des murs gris, Des murs de brique, De pierre ou de béton, Et le regard s'y use, Et le mur devient meurtrissure, Et les yeux sont fatigués À force de s'y cogner, Et les yeux deviennent durs, Et les yeux deviennent murs. | haut de page |
METAMORPHOSE Tout l'être se transforme Pour n'être plus que forme, Que panse, que ventre, qu'antre, Qui se gonfle et qui enfle, Même pas accoucheur D'un rat, d'une souris, Mais bedaine et rondeur Trop remplie, trop nourrie. Obèse bien à l'aise, Qui mange, qui boit, qui baise, Obèse du cerveau, Des yeux, du cœur, des os, Et bientôt de l'esprit, Esprit qui devient lourd, Esprit qui devient moite, Esprit qui devient ventre. | haut de page |
DESESPOIR Une morsure noire M'a déchiré la poitrine, Pour recouvrir mon cœur De son asphalte bouillonnant, Des vapeurs rauques Ont gonflé mes poumons, Et des vagues violentes Ont secoué mon front, En silence j'ai appelé au secours, Naufragé paralysé Par quelque calculatrice froideur, Mais seul le vent a répondu, En faisant claquer les portières. Le venin faisait déjà son office Dans mes veines, Et nul n'était besoin de crucifix, Ni de prière, Ni même de toute autre verveine. Alors je me suis laissé engloutir, Retournant au néant livide, D'où tu m'avais sorti, Quand tu m'avais souri. Je m'étais cru un instant palissandre, Mais je n'étais en fait Que poussière et que cendre, Et le vent m'a éparpillé, Et le vent m'a époussiéré. | haut de page |
GLISSEMENT Mes membres s'engourdissent, Mes paupières frissonnent, S'en faudrait pas beaucoup Que je m'endorme. Mon corps s'immobilise Et sombre doucement Vers la tiédeur tranquille De l'océan néant. Je descends inconscient, De la rive à la vague Et mon esprit ballant Glisse nu sur le sable. Il glisse lentement, Vers le sable mouvant, S'en faudra pas longtemps Avant qu'il s'y enfouisse. | haut de page |
A LA MUSE Egoïste entre tous, Je viens vers toi Pour réveiller l'inspiration Qui me chagrine, Je viens voler un peu La clarté de tes yeux, Un peu aussi ta voix Et un peu ta tristesse. Je viens surprendre le tic-tac du réveil Sur ta table de nuit, Je viens te deviner Derrière ces silences qui me gênent, Je viens vers toi, Et je ne te connais même pas. Je viens vers toi, Pardonne-moi Si tu hante mes poèmes. | haut de page |
ERRANCE Dans ma solitude surpeuplée, J'arrache les pages de mes cahiers Et les regarde s'envoler, Cendre grise dans le cendrier. Y'a plus de thé dans la théière, Le temps m'a volé mes prières, Le jour se cache sous mes paupières, Demain sera bientôt hier. J'invente des nuits et des nuits, Des nuits sans nombre, des nuits sans ombre, Des nuits fantômes de la nuit, Où je traîne avec la Folie. | Je traîne dans ces villes désertes, De terrain vague en vague à l'âme, Je sais que je cours à ma perte, A chercher cette voix de femme. Et je rentre toujours absent, D'errements en égarements, Ne reste plus que le présent, Qui dure, dure infiniment. Ma tête glisse sur l'oreiller, Y'a plus d'encre dans l'encrier, Je noircis encore le papier Pour ne pas m'entendre crier... |
ENVIE Envie de claquer sa ceinture, Et se jeter sur un pylône, Envie de finir pourriture, Ecrasé par un dernier train, Envie de déchirer son cœur, Et fracasser sa fontanelle, Envie d'éclater sa pudeur, À la barbe des immortelles, Envie d'un hallucinogène, Dans le fond d'un fumoir-mouroir, Envie de se dévanouir, En éther ou en ostensoir, Envie de souffler les chandelles, Et retrouver le premier soir, Envie de finir son histoire, Parce qu'on n'est presque rien pour elle, Envie d'un trou dans une tête, Beaucoup mieux qu'un trou de mémoire, Envie d'une valse muette, Pour oublier le fandango, Envie d'aller à La Villette, Pour un tout dernier numéro, Envie d'une toute autre vie, Envie de n'avoir plus envie. | haut de page |
NOUGARO 83 L'orage préparait Ses claviers et ses cuivres, Et l'homme est arrivé, L'homme singe, L'homme oiseau, Mi-démon, mi-taureau, Et sa voix de rocaille, Couvrant la voix du diable Et la voix du tonnerre, Devenait voix de l'âme. La pluie ne s'y trompait Quand elle scandait le rythme, Compagne d'harmonie, Pour un soir elle aussi, Et l'homme tout de roc, Devenait bronze et or, Et l'homme se tordant, Devenait météore. Au ciel les étoiles Jalousaient la romance, Et le rythme et le feu, Et la fleur de jouvence. | haut de page |
HABITUDE Toujours les mêmes visages Qui ne regardent pas, Toujours ces silhouettes Agressives ou fluettes, Ce manque de silence, Ce manque de présence, Ce surplus de confort, Et ce manque de manque. Toujours ces presque fleurs, Qu'on trouve presque belles, De les voir chaque jour Et de ne voir qu'elles. Toujours ces rues trop droites, Et ces allées piétonnes, Et ce rouge écarlate, Qui n'étonne plus personne. | Toujours l'espoir qui meurt, À force d'être ailleurs, Et l'ennui qui s'ennuie, De se trouver ici. Et ce soleil fiévreux, Et ce ciel poussiéreux, Et ce gris dans tes yeux, Qui devrait être bleu. Et toujours l'habitude Qui nous meurt peu à peu, Et toujours l'habitude Qui nous habille de vieux. haut de page |
ATTACHEMENT Je suis l'ombre, Je te suis, Tu me hais, Je m'attache À tes pas. Je suis la tache, Tu m'essuies, Je m'en vais, Et reviens Sur mes pas. Je suis l'homme, Et je suis, Et tu es, Et nous sommes, Et je t'ai. | haut de page |
SUICIDE Un coup de feu qui claque, Une tête qui éclate, Des cheveux écarlates, Un revolver s'envole, Une ombre sans parole, S'éteint sur le tapis. | haut de page |
ATTENTE Ombre de la nuit, Ombre de minuit, Qui glisse sans bruit, Qui glisse endormi, Silence d'argent, Silence inquiétant, La lune frémit, La lune blanchit. Un pas dans l'escalier, Une porte qui grince, Un souffle qu'on retient, Un bruit de clé, Et puis plus rien, De nouveau le silence, Les lumières s'éteignent, On sent venir l'absence, La solitude … Et puis la peine. | haut de page |
EXTASE Je me cherche, Je te trouve, Je te vois dans mes yeux, Je t'appelle en silence, J'ai peur quand tu es là, Tu regardes étonnée, Un sourire étoilé Me brûle et me consume, Je m'envole en fumée. | haut de page |
DOUCEUR Comme l'eau du miroir Se trouble au gré du vent, Je te découvre Et mon esprit se trouble. Un brouillard me recouvre Léger et bienfaisant, Il apaise mon âme Et caresse mes sens. L'aurore est immobile Comme un philtre magique, Là, un oiseau s'envole Et je cligne des yeux. Mon regard est à toi Ma voix n'est que murmure, Je n'attends plus qu'un signe Pour être mal heureux. | haut de page |
HEUREUX Sentant la mort venir Il est allé s'asseoir Sur le vieux banc de pierre Habillé par le temps, Le dos contre le mur Il a chauffé son corps Une dernière fois Au soleil de l'été, Il aimait ce silence Des arbres et des champs Il aimait regarder Rien que pour regarder, Et les yeux grands ouverts, Le cœur calme et serein, Sur le vieux banc de pierre Il a dormi sans fin. | haut de page |
GARDE A VUE Dans un commissariat, La pendule arrêtée Soupire... Un brigadier en armes L'accuse De vieillir. Ils l'ont interrogée, Fouillée Et torturée, Mais elle ne dira rien. La pendule entêtée Ne livrera pas Ses complices : Ils n'arrêteront jamais Le temps Ni les saisons. | haut de page |
LA VILLE La ville, C'est une main d'acier Qui me serre et m'étouffe, C'est une camisole Pour un homme qui meurt Un peu plus chaque jour Sans larme et sans amour. C'est la prison moderne, C'est le mur de l'école, Les fous sont dans la rue Et ils jouent du klaxon, Les malades se tuent Il n'y a plus personne. | haut de page |
DOUTES Quand elle me regarde, Mes yeux s'enfuient au loin Et lorsqu'elle n'est pas là Je la vois devant moi. Faudra-t-il un beau jour Lui dire qu'elle est belle ? Est-ce que parler d'amour Ne détruit pas le rêve ? J'ai peur de ses dents blanches Qui éclatent en riant Et de ses yeux changeants Où brûlent des diamants. | haut de page |
ET APRES Ma mort sera verte Avec des ailes bleues, Ou bien peut-être bleue Avec des ailes vertes, Qu'importe la couleur Quand mes yeux seront morts. Mes amis deux par deux Regarderont mon corps Et puis baissant les yeux Diront : "il est bien mort..." Plus besoin de prière Pour descendre en enfer. Des messieurs en chapeau Que je ne connais guère Et des dames en noir Viendront aussi me voir, Pour ces femmes si belles, Ma mort sera cruelle. | Il y aura aussi Ceux que j'ai oubliés Et qui parlent tout bas Pour pas me réveiller, Il'y aura tous ceux-là Et puis quelques curieux. Un oiseau chantera Et les enfants riront, Car les enfants sont gais, Qu'importe les adieux, Qu'importe les regrets, Puisque je serai mort. haut de page |
MUSIQUE EXTREME La musique est en tas Là devant tes oreilles, Tu voudrais faire un tri Au milieu de ses cris, Les musiciens ferraillent Et volent ton sommeil, La musique "pagaille" Fait éclater la nuit. Tu cherches un chant meurtri Dans un regard bleui, Tu cherches un infini Loin des mélancolies, Sa courbe sensuelle Te brûle la cervelle Et la musique crie, Et la musique jouit. | haut de page |
SOLITUDE Un aveugle joue aux cartes, Près du feu, le chien s'endort, La neige tombe et le vent souffle, La porte s'ouvre, La neige est froide, Le vent et dur. L'homme se lève, La porte claque, Le chien sursaute... Près du chien, le feu s'endort, Assis à la table qui boite, Un aveugle joue aux cartes. | haut de page |
CHALEUR D 'ETE Sur le mur de la décrépitude, Un lézard se chauffe au soleil, Quelques insectes bourdonnant Chantonnent d'anciennes prières. Les fleurs jetées devant la pierre Crépitent sous la flamme vermeille, Des oiseaux pleurent dans les feuillages Et l'arbre meurt avant son âge. Quelques nuages abandonnés Cherchent un coin sombre pour pleurer, Mais tout le ciel n'est que lumière Et le soleil rêve d'enfer. | haut de page |
EVASION Un chien noir Sur un balcon, Qui tourne, Qui saute, Comme un homme en cage. Il voit les grilles du balcon Qui dansent. Dans la vitre, Il voit un autre chien, Un chien noir, Et il l'envie, Derrière sa vitre, Et il tourne, Et il saute. Derrière les grilles du balcon, Il voit les arbres et les oiseaux Et il entend la ville, Alors il saute, Plus haut encore, Et les grilles s'envolent, Et le chien crie sa joie, Et le chien crie sa liberté, Il ne voit pas la rue qui monte, Qui monte, qui monte, Tandis qu'au loin, Un chien hurle à la mort | haut de page |
MONOTONIE Le jour, la nuit La nuit, le jour Et puis le vent Avant la pluie, Le vert est bleu, Le bleu est vert L'argent, le temps Et tant de gens, Ce soir, demain, Tout est si loin. | haut de page |
SOIR D'ETE Le soleil s'évapore Au ciel ensanglanté, La lune s'émerveille Quand tombe la rosée Et la forêt s'endort À l'ombre des étoiles. | haut de page |
ETERNITE J'aimerais que le vent M'éparpille au lointain, Je voudrais que le temps Me pousse encore plus loin, Pour fuir mille fois Et mille fois encore, Connaître d'autres vies, Connaître d'autres morts. | haut de page |
VIVRE Vivre Ivre Sans livre Libre Fini L'exil Fini L'asile Aimer Semer Aimer Donner Aimer S'aimer Ames Damnées Et puis Mourir Sans bruit Sans cri Encore Sourire Et puis Finir... | haut de page |
A ELLE Tu es la truite et le courant, Tu es mars le mois du printemps, Je suis pêcheur pour mieux te prendre. Tu es l'oiseau, tu es l'enfant, Plus belle qu'un soleil levant, Je suis la nuit et je t'attends. Tu es le fruit, tu es la fleur, Tu es l'espoir, tu es la peur, Mes mains tremblent quand je te vois. Tu es le vent, tu es la pluie, Tu es la joie, tu es la vie, Tu es ma loi et tu m'attends. | haut de page |
APRES L'ACCIDENT Ils étaient trois cent quarante cinq, Déchiquetés, éparpillés, Et pour dénombrer les victimes, On a du compter les doigts de pied, Et après on a divisé. On a fait d'même avec les yeux, Avec les oreilles et le nez, Ça correspondait à peu près, Ensuite on a distribué À chacun ce qui lui manquait Empaqueté dans un drap blanc. Les familles ont eu droit en plus À la douleur du président. | haut de page |
L'ORAGE Pour une fois Il n'y a pas eu de vent Ou presque pas, Et la pluie est tombée, La pluie s'est abattue, Lourde et froide, Comme chargée de plomb fondu. Ses grosses gouttes noires Sur le bitume Ont inventé la danse De la fortune. Alors les chiens et les enfants Ont dansé sous la pluie, Avec sur le visage Les mêmes larmes Venues du ciel. | haut de page |
PREMIER MAI Premier mai, fête du travail, jour férié, Dérisoire quand c'est dimanche. Premier mai, porte-bonheur, "Pour votre femme, pour le tiercé, Porte-bonheur, monsieur, madame…" Comme s'ils n'étaient pas assez grands Pour le porter tout seul leur bonheur. Et il y en a partout, Aux coins des rues, Sur le trottoir, Dans l'encoignure des portes, Près des massifs de roses rouges, Il faut croire que le bonheur Est lourd à supporter. Quel dommage, Toutes ces fleurs coupées, Attachées, Recroquevillées, Vendues à la criée, Pour trois francs, Pour un franc, Par des gens maquillés, Pour qui le printemps dure un jour, Un jour seulement. "Monsieur, c'est la fête des fleurs, Un brin qui porte chance, Et quel parfum !" Merci, j'ai eu mon compte, Je viens de marcher dedans, Evidemment, Si je regardais où je mets les pieds Au lieu de rêver ! | haut de page |
ENNUI Je fuis l'habitude du temps, Je fuis le temps des habitudes, Je ne suis ni noir, ni blanc, Ni même gris comme le temps. Je suis là et je suis absent, Mais quand je suis loin tu m'entends, Je marche, je cours dans le vide, Et le vide me dis je t'attends, Et je regarde sans rien dire : Autour de moi naît le néant. | haut de page |
OISEAU NOIR C'est une histoire de corbeaux, Je crois… Et les merles blancs n'y croient pas. Une symphonie pour un oiseau, Et qui plus est, un oiseau noir, C'est illusoire. Mais si monsieur de la Fontaine Revenait aujourd'hui sur terre, Ça lui ferait beaucoup de peine D'entendre les oiseaux se taire. C'est pourquoi je chante aujourd'hui Cet oiseau noir, Cet oiseau cri, Qui retentit dans ma mémoire Comme un espoir, Comme une vie. "Oiseau maudit" dira le prêtre, "Maudit oiseau" dit le semeur, Moi qui ne suis ni croix, ni terre, Je dis "c'est l'oiseau cri" Je dis "c'est oiseau vie". | haut de page |
MOISSON Le cheval énervé Par les mouches qui bourdonnent Rejette vers l'arrière Sa tête et sa crinière. Et les mouches s'envolent Pour venir plus nombreuses Se coller à ses yeux, Noires et tourbillonnantes. Un paysan courbé Sous le soleil d'acier Fait briller sa faucille À la lumière des blés. Plus loin une enfant chante Au milieu des blés d'or, Belle comme une princesse Dans son corsage blanc. Les vieux sont là aussi : Ils ont des mains de bronze, Un visage de bronze, Et leur geste est précis. | haut de page |
HIBERNATION La bave des étoiles N'atteint plus les crapauds, Car ils se sont enfouis Au plus profond des gouffres, Plus bas que les fossés, Plus loin que les égouts, Là où ils ne craignent plus Les soleils grimaçants Qui leur mangeaient la peau, Et les rendaient méchants. Les crapauds sont partis C'est l'hiver… Et on n'entendra plus leurs chants Jusqu'au printemps. | haut de page |
PIERROT Pierrot se réchauffe au soleil Et baille comme un arc-en-ciel. Il s'est décidé un beau jour À sortir un peu de sa nuit, De sa nuit où tout est silence, Et solitude, et poésie. Peut-être que près du soleil, Il découvrirait des merveilles. Pierrot a dormi une nuit, Tout bas la lune lui a dit : "Ne t'endors pas sinon demain En plein jour tu vas t'éveiller" Mais Pierrot n'a rien entendu, Cette nuit-là il a rêvé, Et au matin c'est un rayon De soleil qui l'a réveillé. Pierrot a vu le ciel et l'eau, Il a vu les fleurs, les oiseaux, Les arbres et les enfants heureux, Et puis il a vu les chasseurs, Les enfants qui coupaient les fleurs, Le vent qui arrachait les arbres, Et maintenant Pierrot a froid, Alors il se chauffe au soleil. | haut de page |
LOIRE J'ai appris la colère de l'eau La colère de la rivière qui gronde, Violente, tumultueuse, Avec l'écume aux lèvres, Arrachant les clôtures Et dévorant les blés. J'ai appris la faiblesse Des grands arbres qui se dressent Au bord de la rivière, Aux racines fragiles, Sans cesse déchirées Sous ses coups de bélier. J'ai appris la tristesse De ces arbres tombés Et du sable et des pierres Qui recouvrent les prés. | haut de page |
LASSITUDE Pendant quinze années j'ai appris, Pendant dix années j'ai compris, Le reste de ma vie Je voudrais marcher, Marcher sans réfléchir, Marcher droit devant moi, Les yeux perdus au loin, Plus loin que l'horizon Et ne penser à rien, La tête vide, Le cœur blanchi, Marcher sans fin Et sans fatigue, Marcher sans m'arrêter, Sans but, Me promener dans les étoiles, Infiniment… | haut de page |
FUITE DU TEMPS Un bracelet de montre Cassé au bras, Le temps s'est arrêté Chez moi, Et il a posé sur ma table Ses aiguilles de sable. Il m'a dit : "Je suis fatigué, Je voudrais tant me reposer". Moi, j'ai voulu Compter les grains de sable, Je les ai pris Dedans ma main, Un à un, Je les ai fait glisser, Comme dans le ciel Glissent les étoiles... Lentement Ils sont retombés, Et ce matin, Là, sous ma table, J'ai balayé un peu de sable. | haut de page |
TRISTE DIMANCHE Le dimanche quant il pleut Et qu'on rentre sous la pluie, À quatre-vingt à l'heure, On fait d'l'aquaplanning Dans les flaques, Et les flics Ne trouvent rien à dire. Sur le bord de la route, Cent fois on éclabousse Les champignons qui poussent, Et on compte les paumés Qui lèvent le pouce Avant qu'on passe, Et puis qui lèvent le poing Une fois qu'on est passé. | Le dimanche quand il pleut, Une fois qu'on est rentré, On s'ennuie à rester A r'garder la télé, Tout seul avec les autres Qui ne comprennent rien, Et pourtant qui se vautrent Dans le mal, dans le bien, Et on pense au paumé Là-bas sur la grand' route Qui lève encore le pouce, Qui lève encore le poing, Chaque fois qu'on l'éclabousse, Et chaque fois c'est pour rien. Le dimanche sous la pluie. On s'ennuie…on s'ennuie haut de page |
LA MORT La mort, Je voudrais qu'elle me frappe Un jour au bord de l'eau, Sous un soleil d'été, Et j'aurais ce jour là Oublié mon chapeau. Je voudrais qu'elle me frappe Quand j'aurai cent vingt ans, En sachant que demain Pour moi ne vaut plus rien, Qu'elle me frappe droit devant Et sans me dire un mot, Juste un éclat de rire Qui viendrait de là-haut. | haut de page |
MYSTERE Une bulle sur un lac, Je la regarde, elle éclate, Elle était là devant moi, Et tout à coup elle s'en va. Elle s'est peut-être envolée, Mais elle n'est pas dans le ciel, Et je la recherche en vain. Peut-être qu'elle a plongé Dans le lac sans réfléchir Et risque de se noyer. J'irai bien la secourir Mais je ne sais pas nager. Et la voilà qui remonte Qui transperce la surface Du grand lac qui se casse. Et la voilà qui navigue, Que vient vers moi, qui hésite Et qui disparaît encore En arrivant près du bord. . | Je regarde autour de moi, Elle ne doit pas être loin, Mais je ne la trouve pas, Je cherche et je ne vois rien. Cette fois tant pis pour elle, Ou peut-être tant pis pour moi, Je crois que je vais plonger Pour lui voler son secret haut de page |
MISERE Les pauvres gens lisent des livres Où l'on raconte d'autres gens, Plus malheureux, plus pauvres qu'eux, Pour se reconsoler un peu. Les pauvres gens ont leur misère Rangée dans un placard, Et garde la clé bien cachée Dans une poche sur leur cœur. Ils ne savent du verbe avoir Que le conjuguer au futur, Mais ils vivent depuis cent ans, Et ils vivront encore longtemps. Ils vivent de rien et de tout, Leur misère n'a pas de mémoire, Mi-amertume, mi-souvenir, C'est une clef sur une armoire, Qui grince, Qui ne se ferme plus. | haut de page |
REVERIE Quelques miettes D'un repas, Quelques gouttes d'eau, Chagrin de la nuit, Ecume des feuilles, Ce n'est presque rien, Mais quel festin, Pour l'oiseau qui meurt. Un sourire Qui se devine, Un sourire qu'on retient, Perle du matin, Nacrée de satin, Ce n'est qu'un espoir, Une étoile qui brille, Pour un cœur de paille. Un morceau De votre peau, Votre corsage défait, Dentelles froissées Et baisers de soie, Pardon, je rêvais, Mais vous restez là, Quel idiot je fais ! | haut de page |
DOUCEUR DE VIVRE Tenaille-moi encore Toi le vent, la froidure, Déchire moi le corps, Je veux que cela dure, Cent mille ans et bien plus Pour vivre infiniment. Brise-toi sur mon corps, Mistral ou vent du nord, Je veux sentir encore, Cette douce morsure, Qui me gifle et me dis Que je ne suis pas mort. | haut de page |
DERISION Rue de la dérision, Il y a des enfants Dans un dépôt d'ordures, Qui jouent avec la mort, Un clochard qui s'endort Engourdi par le froid, Un autre qui s'éveille Tenaillé par la faim, Des femmes longues et brunes Avec des yeux trop grands, Qui n'attendent plus rien, Mais qui donnent quand même. En plein cœur de la nuit Le hasard joue au bridge, Et la mélancolie Perd souvent la partie. Triste chemin de croix Au milieu de la ville, Ruine parmi les ruines Cette rue me fascine. | haut de page |
APRES L'HIVER A petit pas L'hiver s'en va, Et voici qu'apparaît Caché derrière un sapin de Noël, Le ciel, Et derrière le ciel, Le soleil, Et derrière le soleil, La vie, La vie qui s'éveille, qui s'étire, Qui baille encore un peu, Ensommeillée de givre caressant, À peine sortie d'un rêve Dont elle ne se souvient plus, La vie toute neuve, Innocente et naïve Mais déjà triomphante, La vie, Avec ses yeux qui pétillent, Et sa bouche insatiable, Et sa peau toute blanche Qui rêve de l'été. | haut de page |
UN LIT Un lit Ça sent la nuit, La chaleur, Les draps lourds, L'envie de faire l'amour, Un lit, Ça sent le rêve, La tendresse, Nos deux corps qui se cherchent, Les caresses, l'ivresse, L'insomnie, aussi. Un lit, Ça sent le matin qui se lève Ça sent le jour, Et le réveil qui sonne Sans fin. Un lit, Ça sent l'odeur du café noir, Et le parfum des croissants chauds, Et l'heure qui nous appelle, L'heure, Qui nous tire du lit Et qui nous dit Qu'on est bien en retard, Aujourd'hui. | haut de page |
IMPRUDENCE J'ai écrasé des chats Mais c'était pas exprès, C'était presque la nuit Et le brouillard tombait. Je roulais sur des routes Qui ne mènent nulle part, Bordées d'ombres en fleur Agitées par des phares. Les chats se tiennent là Sur le bord de la route, Tapis dans les fourrés Et on ne les voit pas. Les étoiles des phares Attirent les étoiles De leurs yeux jaunes et noirs, Alors … il est trop tard. | haut de page |
FANTAISIE "Accorde-moi une minute, Une minute de réflexion " Disait l'alouette Au miroir. Mais le chasseur était pressé Et un coup de feu a claqué, Le miroir s'est effondré, L'alouette s'est envolée : Sept ans de malheur Au chasseur. | haut de page |
INSOUCIANCE J'ai trouvé dans un coin De ma chambre Une araignée d'argent Aux yeux d'ambre. Demoiselle aux longs cils, Aux fines jambes, Sur ton fil tu balances Ta romance. Par la fenêtre ouverte, Sans méfiance, Le vent t'a amenée, Imprudente, Et je t'ai découverte, Ce matin, Au milieu des dentelles, Endormie. | haut de page |
SIMPLICITE Vois la vie qui nous appelle, La vie qui nous tend les bras, Jette-toi dans ces bras-là, Tu ne regretteras pas. Vois la vie qui nous entraîne, Sabots et chaussons de laine, Pour danser vont aussi bien Que tes beaux souliers cirés. Oublie donc tous tes problèmes, Toi qui n'as jamais le temps, Chez nous le temps c'est décembre, Et décembre est encore loin. Vois la vie qui nous retient Qui nous serre dans ses bras, Ces bras-là nous tiennent bien, Allons viens n'hésite pas. | haut de page |
APRES MA MORT Je tomberai en neige Au-dessus des montagnes, Et je m'étalerai En manteau sur la plaine, Les gens d'en haut Me chanteront A pleine voix, Les gens d'en bas Diront tout haut : "Comme il est froid" Et moi je neigerai encore, Comme seuls neigent les morts En secouant leur corps. Je glacerai vos mains Avec mes mains glacées, Vous que je caressais Avant que de passer. Je n'aurai pas plus chaud, non, Mais vous aurez plus froid, Et ça, Ça vous rapprochera De moi. | haut de page |
RENAITRE Renaître du printemps Et dire qu'il est temps Que cette ronde s'arrête De tourner dans ma tête, Cette ronde en queue d'aronde, Cette ronde farandole, Cette ronde deux fois blanche, Qui m'inonde, qui m'affole, Cette ronde folle, Où ma folie vagabonde Dans un lit Près d'une blonde, Loin des cris Et loin du monde. | haut de page |
ACCIDENT Quand on meurt sur les rings, Les oiseaux de malheur Que sont les spectateurs, Les téléspectateurs, Les arbitres, les speakers, Les organisateurs, Et puis toi, Et puis moi, quelquefois, Ces oiseaux de misère Se voilent les paupières. Mais ils n'ont point de larmes Rien qu'un peu de poussière Qui s'agite dans leur crâne Sans faire beaucoup de vagues. Et bien vite ça se calme, La poussière de l'oubli Alors se réinstalle Et tous les oiseaux noirs Font briller leur plumage Pour le prochain naufrage. | haut de page |
PRISON Je ne supporte pas la captivité, Ni la capture, Ni le flou, Ni le vomissement des arbres, Et je suis un perpétuel éternuement, Mes jambes éternuent, Mes mains éternuent, Ma bouche éternue, Mon cerveau éternue, Et je suis enrhumé, embrumé, De tout mon corps tendu, soubresauté, Eclatant qui ne peut éclater, Aéronef qui remonte toujours. Je ne supporte pas la capture Et encore moins la captivité, Elle me tournoie dans les entrailles, Elle me ronge, Elle me "sournoie", Elle me noie. | haut de page |
INFIRMERIE DE GARNISON Mon esprit se déchire, La blouse blanche est grise, J'avance dans la mire, J'avance et toi tu vises. Tout est prétexte à rire Mais mon texte est soupir, Languissement, ennui, Attente, vieillissement. La machine à café Empêche de dormir, Mes doigts se givrent Et la cascade de mes pensées chavire. | Je suis au bord de l'eau Et l'eau reste immobile, Le miroir devient glace, Je vois le temps qui passe. Je vois le temps qui glisse, Je vois le temps qui glace, Et les doigts se raidissent, Se crispent sur la gâchette. Puis l'eau devient javel, La rivière est violette, Une dernière pirouette, Et je maudis le ciel. haut de page |
MOURIR Je vais mourir Et vous n'en saurez rien, Je vais mourir, Comme ça pour rire, Pour vous faire peur, Pour vous faire honte, Superbe supercherie, Violence des néons, La musique tourbillonnante Vous cachera mes cris. Votre danse endiablée Sera danse macabre Et vous n'en saurez rien, Vous tournerez, Virevoltants, Tourbillonnants, Jusqu'au matin, Jusqu'à la fin. | haut de page |
DESTINÉE La montre tourne, tourne, Un jour, elle tournera à l'envers, Dans un trou, grand ouvert, Tout vert, Et noir, et gris, et vert de gris, Le temps aura son manteau blanc, Un entonnoir avec dedans Des fleurs séchées, Des fleurs cassées, Et des épingles de sûreté Pour les agrafer sur les gens qui passent, Sans voir, sans penser, Seulement avec leurs jambes pour courir Et leurs yeux Pour ne pas regarder, Des yeux bleus, des yeux verts Toujours des yeux, Deux par deux, inutiles, étrangers, Et trop beaux pour ne pas les remarquer. Des yeux qui pleuvent, Des yeux qui métallisent, Grand ouverts, Impudiques, Des yeux qui trop tôt seront creux, Et qui regarderont alors Vers le ciel, vers l'infini, Là où l'esprit se fonde Avec le silence et la poussière galactique Qui ressemble à de l'or Quand on rêve à de l'or, Et ne ressemble à rien Quand on regarde bien. | haut de page |
ALCHIMIE J'avais un cœur en or, Toi tu as le secret Pour changer l'or en plomb, Divine, météore, Reine des quatre saisons Et tu m'as transformé. Je suis soldat de plomb, J'ai de sombres pensées, Je suis toréador Et tu me fais danser, Sous ton soleil plombé, Danser jusqu'au remord. | haut de page |
REMORDS Roquettes et fusées Sont parties en fumée, Et moi, j'ai appuyé, Imbécile et muet, Sur la poignée d'acier. Grenades éclatées, Ne pourrez-vous jamais Me pardonner ? Je n'ai tué personne Et je n'ai pas visé La pomme. Moi si j'ai appuyé C'était pour rire… Mourir de rire… Mais le rire coûte cher : Deux cent mille centimes À chaque tir. Alors… Le rire devient rictus Quand là-bas en Afrique Les enfants meurent de faim Et qu'une poignée de riz Leur suffit … Leur suffirait Pour vivre. | haut de page |
MOURMELON Poudre aux yeux, Confettis découpés en quatre Pour un ordinaire ordinaire, Césure sans poème, Un quatorze juillet sans lampion, Sans fille, sans révolution, Les militaires se noient Dans une bière, Plus ils sont saouls, plus ils sont fiers. Et ils font un feu d'artifice À coups de fusées éclairantes Et de grenades suffocantes, Tout est truqué, tout est factice, Si l'on desserre un peu la vis C'est pour mieux la serrer ensuite, Et ils s'enivrent de poussière, Ils rêvent de bordel Et de filles-civières, Ils rêvent de cimetières Construits avec leurs propres armes Où ils peuvent se promener En riant et en éclatant, Le cœur content. | haut de page |
PLENITUDE Je meurs noyé Dans l'océan indien, Lesté par un collier de coquillages, Je m'enivre de profondeurs Dans une mer limpide et sage, J'écoute le silence jusqu'à la fin, Je retrouve le merveilleux De ce décor impérissable Dont mon corps est un grain de sable, J'ouvre les mains, j'ouvre les yeux, Il est fabuleux le voyage Et j'en profite jusqu'au bout, Jusqu'à la dernière seconde, Jusqu'à l'ultime, jusqu'au sublime : C'est ici le point de rencontre De la translucidité de l'eau Et de l'esprit. | haut de page |
PASSION Hallucinez-moi De vos fantasmes, Laissez-moi couler Au fond de vous, Pour vous apaiser Je serais torrent Et j'effeuillerai Vos rêves d'enfant. Ensorcelez-moi De vos détresses, Divine amoureuse, Colombine blanche, Je saurais vous dire La paix des caresses, Laissez-vous couler Tout contre moi. Enveloppez-moi De vos ivresses, J'ai trop attendu De vaines promesses, Laissez vos désirs Vivre à l'unisson, Pour les assouvir J'ai tant de passion. | haut de page |
VILLES On chante trop souvent L'amour pour une ville Toulouse, Ajaccio Ou simplement Paris Moi j'habite Lyon Et je chante la haine, Oui je chante ma peine Des civilisations : Pour ces blocs de béton, Ces boulevards de bitume, Pour ces files infinies À six heures du soir, Pour les chiens des mémères Laissés sur le trottoir, Pour ces flics qui sifflent Sans connaître la gamme, Pour ces pigeons phtisiques Qui sont plus voyageurs, Pour ces panneaux géants, Décors venus d'ailleurs, Vitrine surréaliste D'un peintre fou d'azur, Panneaux qui nous torturent, Panneaux qui nous saturent, Et puis le cri des freins, Et le cri des klaxons, Et les yeux des putains, Es les yeux de personne, | Les samedis endormis, Les dimanches monotones, La pluie qui tombe noire, Le vent qui souffle aigri, Les enfants qui jouent plus Et qui traînent dans les rues, Le combat de chacun Pour gagner un peu plus, La course vers l'usine, La course vers l'autobus, Quarante heures par semaine Et crevés le week-end, Les onze mois de l'année Pour enfin s'évader, Mais toujours ce retour Vers l'enfer de la ville. haut de page |
VILLENEUVE Les cités dortoirs dévorent le ciel, Les murs se dressent, Cartes perforées géantes, Nées du cerveau malade D'informaticiens fous, La lumière artificielle Efface le soleil, Les nuages arrivent Et la nuit s'installe, Avec la pluie en prime, La pluie en déprime, La pluie, Qui ne fait même plus des claquettes Sur le pavé, Et tous les vingt-cinquièmes étages, Il y a un homme Qui se penche trop à la fenêtre. | haut de page |
FOLIE Garde toujours un chargeur Pour la foule, Toi le fou qu'on refoule, Toi qu'on roue, Toi qu'on roule. Garde toujours un chargeur Et le doigt sur la gâchette. Vise les cons à casquette, Vise les cons qui roucoulent, Leur gorge deviendra rouge, Comme au vrai tir aux pigeons, Vise bien, Vise la tête, Ils tomberont noirs et lourds, Viandards pour les vautours. | Garde toujours un chargeur Pour la foule, Quand la foule deviendra houle Et la houle sera tempête. Garde le doigt sur la gâchette Pour la fête, La fête du temps qui s'écroule, Rouge et noir, noir et rouge, Rouge comme le sang qui gicle, Noir comme le sang qui s'arrête, Et noir comme ce ciel de tempête, Et noirs comme tes grands yeux ouverts, Et noires comme les fourmis noires Qui se colleront à ta tête. haut de page |
APRES L'EXECUTION Vois, je relève la tête, La tête de votre panier, Ce panier rempli de son Qui s'abreuve de mon sang. Vois, je relève la tête, Et je crève à l'unisson Vos tympans et vos fenêtres, En criant cette chanson, La chanson des gens sans tête, Coupée par des gens sans raison, Des gens qui croient que la fête Est soleil rouge à l'horizon. Vois, je relève la tête, Et mes yeux vous font horreur, Exorbités et hagards, Ils reflètent votre peur. | Du coin des lèvres je ris, D'un rire indéfinissable, La mort ne m'a pas puni, Et ça vous est insupportable. Vois, je relève la tête, De votre panier rempli de son, Je reviens, je suis un spectre Et je finirai la moisson. Je mettrai vos pleurs en gerbe, Et vos chagrins, et vos passions, Et vos cœurs finiront sur l'herbe Avec le destin pour saison. haut de page |
PREMONITION Un jour, il y aura Une flaque d'huile sur la route Que je ne verrai pas. Mon cerveau tournera Sept fois dedans ma tête, Et puis s'arrêtera. Je glisserai sur cette route Et je m'endormirai. Et je rêverai que je dors Profondément, dément. Alors tous les réveille-matin Sonneront à la mort, Alors tous les réveille-matin N'y pourront rien. | haut de page |
BALLET NOCTURNE La lune boit La lune est grise Le soleil verse le champagne. La lune est là La lune et grise Le petit matin l'a surprise. La lune boit La lune est grise Et le soleil la raccompagne. La lune dort La lune est brise La belle Aurore s'en est éprise. La lune dort La lune rêve Le soleil lui chante l'Espagne. | haut de page |
VAGABONDAGE Otez le Q de la moquette Et écoutez, Vous êtes assis sur une mouette Et vous voguez. Peut-être bien que je divague Quand je vous dis, Que le divan fera des vagues Toute une nuit. Peut-être ai-je du vague à l'âme ? Peut-être que je vagabonde ? Mais c'est si bon lorsque c'est vague Et qu'on navigue loin du monde. Mais je vois que vous souriez, Et je sens que vous vous moquez, Je vous aime, mouette rieuse, M'aimerez-vous fou de bassan ? | haut de page |
ENVOUTEMENT Une femme est passée, Une femme est restée, Ses cheveux champ de blé, Sa bouche coquelicot Et ses yeux ciel d'été M'ont égaré. J'ai composé pour d'autres, D'autres bouquets, Mais c'était déjà elle Que je cherchais, C'était déjà de toi Que je vivais. Et je me suis perdu Dans le ciel de tes yeux, Et je me suis noyé Dans ton regard. Je cherchais une femme Et toi tu es passé, Je cherchais un regard Et tes yeux m'ont brûlé, Je cherchais ton visage Dans la fumée. | haut de page |
BLUES Il est des jours De nostalgie, De regard fixe, De regard flou, De regard suspendu, Des jours de cheval endormi, Dormant debout, Des jours de nuages trop blancs, Des jours d'oubli, De brouillard, D'ennui. Il est des jours De matin gris, De regard fou, De regard triste, De regard éperdu, Des jours de chien battu, Seul sous la pluie, Des jours d'aujourd'hui, Des jours bleuis, De cafard, D'infini. | haut de page |
DELIVRANCE Arrosé de suicide, Je crèverai le plafond Du vingt-cinquième étage, Je connaîtrais un dernier vertige, Une dernière ivresse, Et je m'enflammerai Encore une fois, Dans une ultime passion. Météorite amoureux d'une comète Aux cheveux d'or et de lumière, J'embraserai un soleil Rien que pour toi. J'étoilerai ce ciel aveugle De mon corps irradiant Pendant quelques secondes Et je plongerai à jamais À la rencontre De l'asphalte Rougissant Et hurlant. | haut de page |
CONFERENCE Il parle, il parle Et je m'envole, Ailleurs les yeux, Ailleurs l'esprit, Il me regarde, Il croit que je l'écoute, Tout ne tient qu'à un fil Et le fil se déroule, Il court dans l'espace, Il court dans le vide, Puis l'écheveau s'emmêle, Il tire sur le fil, L'écheveau se démêle, L'esprit revient, L'esprit repart, Il fuit encore plus loin, Tout est mémoire, Tout souvenir, Les jours défilent, Les heures s'envolent, Il n'y a plus de fil, Il n'y a que le vide. | haut de page |
DOUTE Nulle envie de rester, Nulle envie de partir, Le temps n'a plus le temps Le temps n'existe plus, Les heures sont des minutes, Les minutes sont des heures, L'avenir est rangé, L'avenir est ailleurs. Mon cœur n'a plus de cœur L'indifférence passe, Je la guette, elle me guette, Je la vois qui s'apprête, Je m'enfuis, elle s'enfuit Et puis elle repasse, Elle reste là, muette, Un cri, elle disparaît. | Puis tout devient silence, Les oreilles sont sourdes, Les voix n'ont plus de voix, Ne reste que le vide, Soudain un chien aboie Et la foule s'anime, La foule s'envenime, J'ai envie de hurler. Le temps encore s'en mêle Et le temps m'entortille, J'ai envie de partir, J'ai envie de rester, L'avenir est désordre, L'avenir est futile, L'avenir est au porteur : Cet avenir me plaît. haut de page |
ERRANCE Une nuit de déchirements Où le corps est en lambeaux, Où le corps est torturé, Et le cerveau qui cogne Contre les parois du crâne, Au moindre bruit, Au moindre mouvement, Pour le faire éclater, Pour une délivrance fatale, La fièvre, Les tremblements, Le froid, Le corps brûlant, La nuit qui ne veut plus dormir, Le soir comme un souvenir. | haut de page |
DESAMOUR Il faudra que je brûle Ce que je sais de toi, Si tu ne m'aimes pas, Il faudra que je détruise Tes faux sourires, Tes faux regards, Mes fausses nuits de désespoir, Ces heures passées, À ne penser qu'à toi. Il faudra que j'oublie, Tes mains de jade, Tes yeux, tes lèvres, Ta robe bleue, Cette tresse dans tes cheveux, Un soir d'ivresse. Il faudra que j'oublie Tout ça, Et tout ce que je ne sais pas, Il faudra que je brûle mes yeux, Il faudra que je brûle mon cœur, Il faudra que je brûle ma tête, Que je me délivre de toi, Que je brûle, Ou que je me noie. | haut de page |
SURVIE Besoin vital Ou animal, C'est lorsque je suis mal, Quand l'émotion ou la passion s'installe, Qu'un morceau d'esprit se détache Et sur le papier devient tache, Tache de vie, Tache d'espoir, Griserie, Destin, Pied de nez à l'éternité, Feuille qui jaunira sans fin. | haut de page |
ETAT DE CHOC Tombé sur mon front Comme un poing fermé, Ton cri m'a remis en question, Question de temps, Question d'argent, Poing d'interrogation Sur la vie, sur les gens, Poing de suspension À la gueule du temps, Poing d'exclamation À la gueule de la vie, De l'avis de tous, mouton, De l'avis d'un seul, naufragé, De cette vie en suspension, De cette te vie en épée de Damoclès, Rouillée à force de sueur, À force de pluie, A force de pleurs, À force de larmes cachées, À force de charmes, À force d'efforts inutiles, Fracas de rire d'une farce enfantine, Aigu comme un accent aigu, Accentuant mon délire, Pour me faire oublier L'autodestruction, L'autoextinction Qui me rendra aveugle Au milieu des aveugles, Qui me rendra muet Par delà les sirènes, Et puis rampant, Et puis me torturant, Et puis mourant… | haut de page |
LE TEMPS Le temps n'a plus rien contre moi Et il me l'a dit ce matin, Depuis le temps qu'on fait la guerre Et que cela ne sert à rien. On s'est arrêté tous les deux, Face à face au petit matin, Et puis on s'est ouvert les yeux Pour mieux continuer le chemin. Je ne sais où le mien m'emporte, Et lui, depuis la nuit des temps, N'ose plus guère frapper aux portes, Il a peur des petits enfants. Le temps n'a plus rien contre moi, Sa colère a fondu soudain, Et on a parlé de demain, D'espoir et d'immortalité, Ensemble on a imaginé Mille printemps et mille étés, Un devenir toujours présent, Du midi on a pris l'accent… | haut de page |
LABO PHOTO Je me suis plongé dans la cuve de révélateur Pour me retrouver. En me cherchant, je te cherchais, En me trouvant, peut-être que je t'aurais trouvée… Le bain d'arrêt à l'acide acétique m'a giflé, M'a révélé, m'a réveillé, De mon sommeil glacé. Alors, je me suis plongé Dans la cuve de fixateur, Encore tout engourdi, Pour y trouver un peu de calme, Un peu d'oubli. Je ne sais ce qui s'est passé, Peut-être que j'avais dépassé La durée, Ou que la dose était trop forte, Je pensais être noir ou blanc Mais je suis ressorti bien gris, Délavé, Pâle, Epave, Et depuis, … Je dérive. | haut de page | |
FILLE DE LA NUIT Inaccessible et inconnue, Tu hantes mon esprit perdu, Ton image, toujours ton image, Mais suis-je sûr, t'ai-je bien vue ? Les soleils froids sont revenus, Les oiseaux rient de ma folie, Des couleurs vives, j'aurais voulu, Mais c'est le gris qui me poursuit. J'aime tant le lever du jour, Et tu es fille de la nuit, Je te croiserai vers midi, Et j'aurai mal à mon retour, Cette blessure d'un temps perdu, Qui me revient comme un orage, Ton image, ce beau mirage, Mais suis-je sûr, ai-je bien vu ? | haut de page | |
KAFKA J'oublie que je suis scarabée, J'oublie mes élytres dorés, Mes jambes fines, mon corps trop lourd, Et ma tête vidée de tout, Ma tête qui me joue des tours En se remettant à penser. J'oublie que je suis scarabée Et j'oublie que je sais voler, Je me traîne sur le pavé, Maladroit, immonde, crevé... | haut de page | |
CONTAGION Les croûtes d'un lépreux Tombées dans une assiette, C'est une nourriture honnête Pour quelqu'un de sérieux, Pour quelqu'un qu'on respecte. Les croûtes d'un lépreux Miséreux, malchanceux, Qu'on rejette, Sont des miettes Pour un festin de gueux, Pour un festin de dieux. Vos fillettes muettes Ont ouvert de grands yeux, Penchées sur vos assiettes, Elles ont mêlé les miettes Et leurs cheveux soyeux. | Et vous n'êtes que bêtes, Et vous hochez la tête Pour dire que c'est odieux, Pour dire que vous n'êtes, En fait ni gueux, ni dieu. Et vous nous suppliez D'arrêter cette fête, De changer les assiettes... Et la fête s'arrête… Mais vous êtes lépreux... haut de page | |
IRLANDE Les militaires sont descendus Faire la guerre avec la rue, Et pour se donner bonne conscience, Quand ils ont tiré sur leurs pères, Sur leurs fils et sur leurs frères, Ils avaient mis dans leurs canons Des balles factices en caoutchouc, Qui tuent moins fort que celles en plomb, Qui tuent moins fort Que celles en plomb. | haut de page | |
REGRETS Ils m'ont dit "Viens chez nous, Tu n'auras jamais froid, Tu seras bien nourri", Et ils m'ont mis en cage. Et puis ils m'ont montré Aux voisins, aux amis, Bien sûr j'ai aboyé, Mais je n'ai pas dit oui. Ils m'ont apprivoisé, Ils m'ont domestiqué, Mais lorsque vient la nuit, Je maudis ce pays. Je rêve que je crie, Je rêve que je pleure, Et je vois de grands chiens, Je les entends qui rient. | haut de page | |
TROUBLES Aussi grand que tu sois, Le gouffre est devant toi, Tu y vas pas à pas Ou en courant parfois. Tu es là sur le bord, Limite de la limite, Tu te penches, tu te tords, Tu te dis "pas trop vite". Tu restes près du bord, Ou tu crois y rester Car le bord et le vide, Tous deux se sont soudés. Tu t'enivres du vertige, De ce désir de chute, Tu te grises, tu voltiges Et puis tu "uppercut". | Lors cherchant la sortie, Tu n'y comprends plus rien, Et voilà que ta vie Est une bouteille de Klein : A force de rêver, A force de douter, L'envers et son endroit Se moquent bien de toi. Tu veux faire marche arrière, Tu trembles, tu espères Revoir cette lumière Qui pourtant désespère, Cette lumière aveuglante, Plus belle que la plus belle Et déjà chancelante En milliards d'étincelles. haut de page | |
AMOUR Je vous ai aimée, Petite fille, Je vous aimerai encore Grande dame. Je vous ai aimée, Rivière folle, Je vous aimerai encore Océan. Je vous ai aimée, Jardin d'enfants, Je vous aimerai encore Forêt profonde. | Je vous ai aimée, Rosée du matin, Je vous aimerai encore Orage qui gronde. Je vous ai aimée, Bouquet de printemps, Je vous aimerai encore Feuilles de l'automne. Je vous ai aimée, Cheveux de satin, Je vous aimerai encore Cheveux blancs. haut de page | |
PRINTEMPS L'obscurité va s'en aller, Ouvre donc un peu tes volets, Même si le ciel reste chargé, Les hirondelles sont arrivées. Le temps qui voulait nous narguer N'est plus que nuage et fumée, Pour sûr, il est bien fatigué, Vois, ce n'est que du temps passé. Aujourd'hui n'a plus rien d'hier, Aujourd'hui n'a plus de frontière, Mais des lendemains de lumière Qui se fichent du quart comme du tiers. L'obscurité s'en est allée, Y'a du soleil dans la vallée, Ouvre donc bien grand tes volets, Les hirondelles sont arrivées. | haut de page | |
TU MANGERAS Tu mangeras, tu mangeras, Jusqu'au bout de tes doigts, Tu mangeras, tu mangeras, Jusqu'à la fin du mois, Tu mangeras, tu mangeras, Jusqu'à la fin de toi, Tu mangeras, tu mangeras, À ta faim, à ta foi, Tu mangeras, tu mangeras, Et tant pis pour ton foie Tu mangeras, tu mangeras, Et puis... tu crèveras, Et on … t'enterrera Les vers te mangeront, Toi le faiseur de vers, Sans rime, ni raison. | haut de page |
CONTRESENS On prend la vie à contresens, On oublie tout dès sa naissance, Des survivances du passé, Et de tout ce qui fait chanter. (bis) On invente le droit au travail, La société, les barbelés, La prison, la sécurité, Mais la vie où est-elle passée ? (bis) On crée le gazon synthétique, La cuisine macrobiotique, La chimie des pétrodollars, Et passent, passent les corbillards. (bis) | On prend la vie à contresens, Le voisin on ne connaît pas, D'abord, … il nous regarde avec méfiance, Alors, … à quoi bon faire le premier pas. (bis) On prend la vie à contresens, On se maquille, on ressemblance, On a peur d'être vraiment soi Et moi je t'aime malgré toi, Et moi je t'aime malgré moi. haut de page |
AMOUR Un jour Tu seras grande Tu seras belle Petite folle Petite sœur Un jour Tout aussi tu sauras Que l'amour est douceur. Un jour Tu seras gaie Tu brilleras Petit soleil Petite fleur Un jour Toi aussi tu verras Que l'amour est couleur | Un jour Tu seras joie Tu seras cœur O mon amour O mon bonheur Un jour Toi aussi tu sauras Que l'amour est chaleur. Mais un jour Tu seras flamme Tu seras drame Petite fille Petite femme Un jour Tout aussi tu sauras Que l'amour est douleur haut de page |
RESOLUTIONS J'étais plein d'bonnes résolutions, J'avais décidé de changer, Devenir quelqu'un de rangé, Mais t'as fait ta révolution. (bis) T'as fait ton nid dans mon histoire, T'as fait ton trou dans ma mémoire, Je voulais plus me coucher tard, Et plus gratter sur ma guitare. (bis) Je voulais travailler réglo, Et ne plus rouler en vélo, Etre un vrai p'tit français moyen, Entre son auto et son chien. (bis) | J'étais plein d'bonnes résolutions, Mais t'as fait ta révolution, Tu t'es installée dans ma chambre, Avec tes disques et tes bouquins. (bis) Finies les bonnes résolutions, Finis les cours et les leçons, Je me couche tôt mais ne dors pas, Tu es si belle entre mes bras. (bis) Pour te prouver combien je t'aime, On va acheter un tandem… haut de page |
ÇA FAIT MAL Ça fait mal, de marcher Les pieds nus, sur le goudron, Laissez-moi marcher dans l'herbe. Ça fait mal, aux poumons, Tous ces gaz, qui polluent, "S'il vous plaît, de l'oxygène". Ça fait mal, de crier, De gueuler, dans les rues, Pour que les gens se souviennent. Ça fait mal, aux oreilles, D'être un million d'abeilles, Sans fleur et sans soleil. | Ça fait mal, dans mon corps, Les barreaux des fenêtres, Les fenêtres des cages Et le gris des grillages. Ça fait mal, dans mes yeux, Tout ce laid, tout ce vieux, Qui n'a même pas vingt ans. Ça fait mal, dans mon cœur, J'ai envie d'être ailleurs, Au milieu des couleurs. haut de page |
LISA C'est par un volet de la villa Qu'un valet dévalisa Lisa. Lisa lisait derrière les volets Quand voilà qu'elle voit le valet là. Mais Lisa n'éleva pas la voix Le valet lui versa une vodka, Et la belle Lisa l'avala Puis deux, puis trois et tralalala. Et alors le valet l'enlaça, Et Lisa dansa valse et java. Le valet abusa de Lisa Puis Lisa s'endorma et rêva… Lors le valet voleur avisa, Visant les valeurs qu'il emballa, Mit tout dans une valise à Lisa Et sans son visa il s'envola. Reprise du 1 | haut de page |
J"VEUX PAS Moi j'veux pas d'une vie à crédit Qu'on rembourse toute sa vie. Moi j'veux une vie avec du bleu, Avec un cœur, avec des yeux, Une vie qui chante et qui oublie, Qu'elle est trop courte cette vie. (bis) Moi j'veux pas d'une vie aseptique, Qu'on vaccine et qu'on purifie, J'veux une vie avec d'la musique Des guitares, des rires, des envies, Quelques larmes mélancoliques Et un peu de tristesse aussi. (bis) | Moi j'veux pas d'une vie statique, Qu'on pousse comme un fauteuil roulant Mais une vie pleine de fantaisie, Avec un peu de sentiment, Moi j'veux une vie en plein midi, Où on fasse pas toujours semblant. (bis) Moi j'veux une vie donnant donnant Soleil couchant, soleil levant, Des yeux pour regarder le temps Un cœur pour s'aimer très longtemps Une vie comme un jardin d'enfants, Où l'on soit pas toujours perdu, Où l'on soit pas toujours perdant haut de page |
VIOLENCE L'orage va venir Fait de larmes et de sang, Eclater dans les rues, Siffler comme un serpent, Hurler, mordre et griffer, Sans trêve, sans pitié, Tuer les innocents Et brûler les enfants. Le ciel va tomber Et embraser la terre, Et tous deux vont danser Une danse d'enfer, Tous deux vont s'embrasser, S'étreindre, s'enlacer, Vieux amants retrouvés Dans le feu, dans le fer, Vieux amants révoltés Pour que vivent nos frères, Et naisse la liberté, Et tombent les frontières. | haut de page |
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